jeudi 28 novembre 2019

L'Oeil du Condor- Dièse à la douzaine


La vieillesse est un naufrage. 

Certaines, caressant le vain espoir de prolonger encore un peu leurs belles années avant d'avoir des seins en peau de coude, se badigeonnent la courge avec des algues bio hors de prix; d'autres, également sensibles à la valeur du temps qui file, préfèrent enquiller les exploits sportifs improbables pour contrer l'apparition des rides et la disparition des tifs... But why ?

Deux spécimens précis illustrent à merveille la seconde catégorie. A ma gauche, le chauve le plus en vogue de la planète verticale, glissant sur d'infâmes bandes neigeuses perdues au milieu de froides faces rocheuses, défrichant d'originales bambées été comme hiver, vous aurez reconnu celui qui est tout sauf un petit... Bonhomme. Certes, l'animal se produit "par passion désintéressée, pour parler des cimes, de leurs chemins escarpés, lumineux et inspirants et non de sa modeste personne" dixit son attaché de presse, son service d'ordre, et son biographe officiel... oui mais la rafale de posts relatant l'ascension de vingt huit 4000 en 1h12 tout juste après avoir retrouvé du réseau n'est pas anodine...

Si son accumulation de perfs stratosphériques nous ramène inéluctablement à notre condition de misérables tanches sclérosées, on voyage depuis notre canapé pour pas un rond. Touché.

De l'autre côté du ring, dans la catégorie hyperactif compulsif même si le domaine d'expression est plus calme, introducing l'incontournable et protéiforme lapin Duracell cuvettard Lionel Tassan. L'évocation de cet instituteur alpin, digne héritier d'un Cambon dans un autre registre, génère l'émoi parmi les ingés-traileurs-bouffeurs-de-graines circulant en vélo nucléaire, alors que la ménagère bobo de plus de 50 ans ressent, entre ses deux gros orteils, d'agréables vibrations qu'elle croyait oubliées depuis ses folles années fac....

Le type sait – presque - tout faire, et le bougre fait – presque - tout ! You name it: écumage systématique de l'arc alpin à ski, rédaction de livres-topos de référence, nuits consacrées au brame du cerf, d'autres à l'observation méthodique du loup, tenue d'un logbook météo d'une précision autistique depuis un quart de siècle, signature, à lui tout seul ou presque, de plusieurs "hors-séries" d'un magazine de montagne à portée nationale, bivouacs ou voyages à thèmes, des tétra-chiées de clichés outdoor de qualité professionnelle, des connaissances pointues sur à peu près tout ce qui l'intéresse (donc sur à peu près tout), la faune, la flore, la réglementation, les champignons, l'image, bref n'en jetez plus ! Le tout relaté en léger différé sur son très followé blog... Hats off !

C'est à se demander comment il trouve encore le temps d'enseigner à nos marmots (depuis deux décennies déjà) et même d'en avoir enfanté deux ! Les mauvaises langues prétendent que, s'il est bien présent dans sa salle de classe weekdays, pour le reste il aurait forcément délégué... En admettant qu'il se soit malgré tout personnellement attelé à la besogne, ses journées sont tellement chargées qu'il doit probablement être précoce...

Place désormais au talentueux monsieur "Replay", le très connecté et visuel Paulo. Depuis quelques années, voici notre (bon)homme lancé dans une course frénétique à l'exploit à répétition. Cet intenable trublion de l'extrême ne sait pas chiller les arpions dans des tongs devant YouPorn; il est plus à l'aise dans quelque projet glacé et glaçant, faisant crisser ses carres sur du carrelage à plus de 50...

De l'émouvant "Bob's Tribute" au quasi-érotique "par devant par derrière à la Verte", en passant par d'interminables traversées de massifs pompes de trail aux pieds (nul n'est parfait) ou de nouveaux itinéraires à ski de très grande classe (Dent Blanche), le Monsieur Propre des neiges écrit sa légende à grand renfort de GoPro vissée sur une caboche aussi lisse que les fesses de mon fils de 2 ans.

Résumons. D'un côté le fameux "Dentiste" qui, pour une inesthétique paire de grolles ou un mauvais gore-tex offert, s'inflige une indigestion de hashtags sur les réseaux sociaux comme un "influenceur" du tiers de son âge, en vantant les mérites d'une marque de fringues pour footeux des cités...

De l'autre, un respectable père de 4 enfants se pare de casquettes plates de DJ et signe des autographes par milliers en faisant le world tour des festivals de montagne telle une rock-star, le tout pour financer une journée drone afin d'immortaliser ses acrobaties...

Voilà donc nos valeureux vieux croûtons devenus de véritables "fils de pub" ! Tout ça pour quoi ? Probablement pas pour plaire au beau sexe car, ils le savent, le train est passé... Non il faut davantage y entrevoir le désir farouche de croquer la deuxième partie de leur vie à pleines dents, fussent-elles cariées...

Alors, la vieillesse est-elle vraiment un naufrage ?

De bonnes bobines de vainqueurs pour deux mecs assez exceptionnels

mardi 5 novembre 2019

L'Oeil du Condor- Eloge de l'esthétisme

L'immense Edlinge' suspendu à Buoux dans le toit de la Beda, short minimaliste pourrave pour tout vêtement et cheveux longs retenus par un mauvais bandeau façon Bjorn Borg des favelas, ça vous dit quelque chose ? Les images ont vieilli, les valeurs les accompagnant aussi... Le Blond, c'était le chantre du "grimper beau", au delà du "grimper bien" qu'il maîtrisait également à la perfection.

La beauté, mais aussi la joie du mouvement. S'emplir du moment présent sur le caillou, sur des skis, sentir le positionnement de son corps dans cet espace exceptionnel qu'est la montagne. Un plaisir simple, pur, puissant.

La joie procurée par quelques grandes courbes négociées pleine balle, la hanche dans la neige, sur des lattes de 120 chassant les trois décimètres de poudre immaculée tombée sans vent la nuit précédente... c'est beau.

Le kiff absolu de placer une belle lolotte sur une colo grise virant à l'orange d'une falaise espagnole au coucher du soleil, le power d'aller fermer le biceps en allant croiter un projet qui nous tient à coeur et qui devient réalité. Le tout avant d'aller raconter des conneries en s'enfilant des bières avec les locaux dans le bar du quartier... c'est beau.

La mode, cependant, semble être ailleurs... Les stakhanos modernes de l'effort collectif, rébarbatif et un peu moche semblent avoir eu la peau des jouisseurs d'antan. Je m'explique.

Il y a quelques temps, Sylvain Tesson, le Mike Horn des beaux quartiers, avait noté de façon très pertinente une mutation regrettable des pratiques et surtout de l'esprit des "montagnards" d'aujourd'hui. L'espace de liberté la plus totale, où l'on peut s'affranchir des règles sociétales pour tracer sa route sans restriction, ni peur du gendarme ou du qu'en dira-t-on, est désormais envahi par les règles de la cité.

C'est la fin des punks du plein air. On a importé les contraintes de la ville en montagne via les compétitions de "trail" et de "ski alpinisme" (le mot est assez mal choisi) et le succès est foudroyant ! Achetez un mini sac-bretelles-pipette en mesh hors de prix, une casquette visière, des pompes orthopédiques roses et des bas de contention fluo, flanquez-vous une puce électronique de chronométrage dans l'orifice prévu à cet effet, entassez vous à plusieurs centaines sur un sentier et vous voilà désormais "montagnard"...

Rien à redire sur l'effort à fournir qui est grand et nécessite de solides qualités physiques. Pour le reste, quelle tristesse ! Où sont passées la solitude, le calme, la liberté de choisir son chemin (ne surtout pas sortir des balises !) et ses propres règles du jeu ? Est-ce finalement la pratique de la montagne que l'on souhaite transmettre à nos enfants ?

Exit les Profit, Escoffier, Moulin, bonjour les Jornet, d'Haene. Soit. Mais plus grave, exit le règne des habiletés motrices, de la dextérité, de la poésie, pour celui des bourrins, des règlements, des capteurs de puissance, du conformisme, et de la disgrâce. Il n'y a qu'à regarder des images de ces événements de masse pour s'en convaincre. Le "toujours mieux" s'est fait bouffer par le "toujours plus". Et l'engagement total, la pureté, l'absolu d'un solo fait moins rêver qu'une tripotée de skieurs au style rendu maladroit par des allumettes hyper light s'enquillant cul à cul un champ de bosses en béton lors d'une compétition balisée, normée, et quelque part castratrice.

A l'heure d'un monde où les libertés individuelles sont de plus en plus muselées et où la planète aurait bien besoin d'un peu de fraîcheur et de calme, est-ce vraiment la direction à prendre ? Ou peut-être suis-je simplement un vieux con ? La vérité doit probablement se situer entre les deux...


Alors ? C'était mieux aaaaavant, comme dirait Cabrel...


dimanche 27 octobre 2019

Lansb-Mag rebooted !

Non non, vous n'êtes pas subitement atteint d'un mauvais Alzheimer. Vous lisez bien un post de l'ex-cultissime Lansb-Mag, "webzine" en vogue dans les années 2000. Non, faut pas déconner non plus, vous n'avez plus 25 ans, comptez au moins 10 de plus, comptez également quelques kilos de plus, des rides au coin des yeux, des vergetures, des dettes, rayez les mentions inutiles.  

Joie et bonheur dans ta chaumière cependant, le spécialiste de la Connerie légère, digeste et de qualité revient sur la toile. 

Oui, vous avez vieilli, la vie vous a rattrapé.e.s (écriture spécial Marion Poitevin représente), le quotidien vous a probablement broyé.e.s (c'est énervant hein ?) comme nous tous. 

Rendez-vous compte, à l'époque où les articles de ce foisonnant blog sortaient de ma fertile boîte à idées à rythme soutenu, le monde n'était pas en voie de disparition, les Vegans avaient honte et se terraient dans leur verre-de-terrarium et les gamines suédoises de 15 ans étaient scolarisées.. Incroyable non ?

Rendez-vous compte, le Jouy est désormais Papa ! Rien que ça, ça pourrait déclencher un AVC chez un mec cryogénisé depuis 15 piges ! Quelle preuve plus éclatante d'un monde qui change pourrait-on donc trouver ? 

Rendez-vous compte, la Falcasse ne se plaint presque plus, et pourtant, il est toujours vivant (et mieux portant que jamais) ! Aurais-je été visionnaire ?

Rendez-vous compte, le L, désormais plus connu sous le stellaire sobriquet du "Flamboyant", est devenu un mûr et responsable père de famille, circulant avec deux sièges enfants dans un pâlichon Kangoo anémique... Ravageurs sont les effets implacables du temps n'est-ce pas ?

Alors, Lansb-Mag de retour pour de bon ? On verra, quelques articles vont suivre, des billets d'humeur, teintés, comme à la bonne époque, d'une exquise mauvaise foi et d'un sectarisme bon enfant pas très politiquement correct... 

Mais bon on ne se refait pas. Même si on refait toujours un peu la même chose. En espérant que les saillies prévues vous laissent refait.e.s (c'est énervant cette mode orthographique hein ?). Et si l'inspiration demeure, rien n'interdit de poursuivre encore un peu l'aventure. Who knows ?

Réactivez donc vos bookmarks, vos fils RSS (je sais pas, ça existe encore ces machins ? Si oui, quelqu'un peut-il enfin m'expliquer ce que c'est ?)

En bref, restez connecté.e.s (décidément), un premier opus sera bientôt proposé à mes désormais grisonnant.e.s lecteurs.trices grisonnants lecteurs (fuck this inclusive shit, je reviens au français !). 

Avec 10 ans de maturité dans la besace, tout est plus, enfin moins, enfin c'est un peu comme avant mais un peu différent... Oh et puis merde, ça ne veut rien dire. On ne se refait pas. 

A très bientôt...

Le regard flamboyant... I'm back !