Que ceux qui s'attendent ici à un texte purement humoristico-humoristique dans la grande tradition maison s'arrêtent de suite. Aujourd'hui je rends aux rois du bitume un hommage aussi appuyé que les freinages de trappeur dont ils m'ont gratifié sur les routes hivernales du Monte Carl' 2015. Ces quelques lignes aussi travaillées que les trajectoires d'un Maxime Bertrand tout juste pubère aux commandes d'une vieille Polo ne se destinent donc pas forcément à mon public "habituel" (même si ces "fidèles" ne se mettent sous la dent qu'un mauvais billet annuel, au mieux, je sais).
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Le tracé |
Voici donc les impressions du conducteur d'un break germanique plutôt rapide sur les plus fines gâchettes routières de la planète.
Le Monte Carlo 2015, épreuve inaugurale classique du championnat du monde WRC, fait donc étape à deux pas de mon terrain de jeu hivernal. 8 spéciales regroupées au Nord de Gap, à 50 bornes de
Grenoble pour la plus proche. Temps gris, très froid (jusqu'à
-4°C), plongeons nous donc avec délice dans l'ambiance
du WRC moderne à l'occasion de ce prestigieux rendez-vous.
Le "milieu" est hostile:
températures négatives, taux d'humidité élevé, un peu de bise,
et sans bouger, les onglées ont guetté le public toute la journée...
Prenons les choses à l'envers, c'est à dire par ordre inverse de passage. Les (toutes) petites autos ne sont
pas forcément ridicules, même les rigolotes Twingo R1, très peu
modifiées et disposant d'environ 130 poneys, sont capables de beaux
passages, surtout quand elles sont confiées à des jeunes pilotes en
devenir. On trouve aussi de vieillissantes C2, et même, pour le
folklore, un illuminé qui a engagé une antique et bourgeoise 147 !
Les R2 (208, Clio
d'environ 180-200ch) sont également pilotées par des gars d'un
talent très variable, du bon jeune brouillon mais agressif au
gentleman driver qui se fait plaisir et qui, parfois, donne vraiment
l'impression de se balader. Certains spécimens prennent des valises de plus de
4' en 15 bornes sans ennui technique, je trouve que ça fait vraiment
beaucoup, et ça se voit... L'ouvreur de luxe "Big Bang" Bengué dans la Mégane RS "zéro"
full stock donne l'impression de passer plus fort, et c'est
probablement le cas.
J'ai été un peu déçu
par le "gros" de la troupe (je ne parle pas de Daniel
Elena), en majorité des DS3 R3 ou Clio R3, des machines déjà
évoluées pourtant. Le niveau est très inégal et ces tractions
motricent mal dans la gadoue iséro-haut-alpine... Bref ça fait du bruit
mais ça ne donne pas vraiment l'impression d'avoiner, même si les
chronos s'avèrent tout de même intéressants. Evidemment, le
contraste avec les grosses voitures que l'on voit débouler dans les
premiers fausse probablement le jugement du spectateur...
La catégorie WRC2
regroupe des autos (Fiesta R5, DS3 R5, Peugeot 208 R5, quelques vieilles
Skoda S2000...) sérieuses et abouties (environ 280ch, 1.6T très
coupleux, traction intégrale) qui ressemblent à des "petites"
WRC.
Ca marche très fort si c'est bien mené, et on a vu il n'y a pas si longtemps un certain
Ogier, rongeant son frein en attendant
l'engagement officiel de VW, signer des exploits fracassants (dont
quelques scratchs) au volant de ce type d'engins. Elles dévorent le
bitume juste après les tous meilleurs (en gros entre les 15ème et
25ème place), ça reste impressionnant mais il est net que ça passe
moins vite, que ça brasse moins d'air que les protos des stars...
On est grosso
modo au niveau du championnat de France, le double tenant du titre
Julien Maurin évoluant dans le peleton de tête de cette catégorie,
comme Stéphane Lefebvre et Eric Camilli entre autres. L'antichambre
de l'excellence en quelque sorte...
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"Dieu" en action, un mètre à l'intérieur de toutes les autres trajectoires. Et 15" de gagnées en 15 bornes au sortir de l'ES3, CQFD ! |
Enfin, les vedettes du
championnat du monde. Dans le déroulement d'une ES, ce sont les
équipages prioritaires, on les voit rouler en premier. Il en découle
une sensation compréhensible de fadeur quand le reste des
concurrents défile par la suite, mais c'est le jeu.
Zoom sur les autos:
les WRC modernes démodent indiscutablement les machines des années
2000 (206-307 WRC, C4, Focus RS, etc...) et font passer les anciennes
références (Mitsu et autres Sub) pour des caisses de beauf fleurant
bon les 90s ! La Polo, la Fiesta, la Hyundai, et dans une moindre
mesure la DS3 (la plus ancienne de conception, 5 ans déjà) sont de
magnifiques monstres de route. Bas, très larges, ramassés,
compacts, ces bijoux chiffrant plusieurs centaines de milliers
d'euro sont vraiment le fleuron de ce que sait produire l'humanité
en matière de course sur route.
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Le Prophète... en son pays ! |
Les gladiateurs maintenant: ils sont une petite dizaine sur Terre à disposer d'un volant officiel pour disputer tout ou partie du championnat du monde (3 chez VW et Citroën, 2 chez Hyundai et Ford). Une élite encore plus restreinte qu'en F1.
Une fois l'un de ces très exclusifs équipages "usine" (ou l'un des rares excellents privés) engoncé dans les baquets d'un tel outil, on a devant les mirettes, presque à
portée de doigt, ce qui se fait de mieux en matière de rallye
mondial. Et ça dépote grave. En vidéo, le
magnifique équilibre général de ces homologations dernier cri
(admirablement suspendues, chassis optimisés, moteurs pleins à tous les étages) masque la vitesse réelle de passage. Il n'y a qu'au bord de la spéciale qu'on se rend vraiment compte de
l'allure supersonique de ces missiles sol-sol !
Tous les top drivers sans
exception sont propres, agressifs, engagés. J'ai choisi les SS3 et SS6
pour passer ma journée: je me positionne en premier lieu en début
de spéciale dans une épingle assez large faisant suite à une
enfilade humide de courbes rapides; par la suite, j'opte pour la toute fin
du tronçon, une longue ligne droite asséchée se terminant par un droite
se refermant recouvert de boue. Une section ultra rapide, par souci de contraste.
A chaque fois, le passage
des 10 meilleurs équipages WRC est un ballet inoubliable. Autant
certains amateurs vous donnent envie de les virer de leur baquet pour
leur montrer comment tourner le volant, autant chaque démonstration des tous meilleurs rallymen du monde vous renvoie violemment au
visage ce qui vous sépare d'eux. Le bruit des quatre-cylindres downsizés turbocompressés s'entend de loin, la boîte séquentielle claque,
mais surtout, c'est le "souffle" du bolide que l'on
perçoit. Une présence intimidante qui vous ferait vous jeter dans
le fossé si vous vous trouviez sur la route alors que la bête est encore loin d'être en vue.
Lorsqu'apparaît enfin le
fauve, l'impression de vitesse est indescriptible: sur une route
ondulée, irrégulière, convexe, parsemée de traînées de terre et
de coulées humides, les mecs ouvrent comme des décérébrés,
tapent les freins hyper tard et le transfert des masses est à peine
perceptible tant l'ensemble est merveilleusement réglé et abouti.
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Petites lunettes d'étudiant façon "café de Flore", gueule d'ado propre sur lui, une fois sanglé dans sa caisse, Neuville entonne une toute autre musique ! |
A 170 km/h sur un mauvais ruban de bitume où l'on aurait du mal à
croiser une Fiat Panda venant en sens inverse, un Latvala ou un
Neuville, malgré sa tronche d'étudiant à la Sorbonne, vous donnent
des frissons. Une roue à moitié dans le ravin à l'extérieur, ils
placent aux freins l'auto en travers pendant 50 m avant de l'inscrire,
toujours contre braqué et à grande vitesse, dans le droite couvert
de boue alors que les rapports descendent dans un crépitement sec, une déferlante de craquements asynchrones, pendant que les échappements se
colorent de flammes. Complètement hallucinant.
Les autos sont d'une
stabilité incroyable, au lever de pied, au freinage, rien ne bouge,
et les gommes doivent être d'une qualité inconnue du commun des
mortels. Si le terrain était estival et sec et que les mecs
évoluaient en slicks, ce serait déjà ahurissant. Alors là, en
roulant sur du purin humide avec de la gadoue plein les gommards... non faut le voir pour le croire, Saint Thomas aurait aimé !
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Jeune disciple, Ott Tänak, officiel M-Sport, sait également comment tourner le volant ! |
Crème de la crème, voir
évoluer les trois ou quatre meilleurs des meilleurs sur cette surface très piégeuse. On touche à l'art. Si la route
est simplement humide et luisante en début de spéciale, il suffit de 4 ou 5 WRC
bien conduites pour recouvrir toute courbe d'une brave couche de boue
et de graviers, tant cette joyeuse bande coupe les cordes comme l'Etat Islamique les caboches occidentales.
Quand le terrain le permet, seules les roues extérieures demeurent sur
l'asphalte, tout le reste de l'auto laboure littéralement
l'intérieur du virage et ramène des pelletées de caillasses et de
terre sur la chaussée. Détail amusant, on arrive à percevoir assez
nettement, au visuel, ce qui fait la différence entre les excellents
pilotes professionnels et les authentiques pépites.
Lorsqu'un Loeb ou un Ogier
surgit, tout va (un peu) plus vite. Tout est (un peu) plus beau, plus
pur. Les frenchies sautent sur la pédale du milieu (de gauche en
fait depuis l'avènement des palettes) comme une hystérique
teen-ager niçoise sur le dance-floor, le point de freinage ne
souffrant d'aucune hésitation. Le pilotage est ciselé, le placement
de la voiture chirurgical. Du travail d'artiste. Quelle maîtrise,
quelle aisance, et quel engagement !
Les vitesses de passage sur ces
routes étroites, non aseptisées, grasses et glissantes, est
inimaginable ! Ceci est d'autant plus perceptible au sortir de
virages aveugles, où ces deux-là roulent avec une confiance totale
en leurs notes.
Un Mikkelsen, un Sordo ou un Otsberg, par exemple, remettent
parfois un petit coup de gaz après avoir cassé la vitesse de
l'auto, il ont perdu un poil trop de "momentum". Au rythme
où roulent les deux "Seb", toucher la pédale de droite ne
serait-ce que pour vérifier qu'elle est encore là les mettrait
probablement dans le talus ou sur le toit. Tout est op-ti-mi-sé:
voiture, pilotage, notes, confiance, attaque. C'est simplement
parfait.
A ce duo vient
s'adjoindre Robert Kubica, l'ex-pilote Renault-F1. Ne vous fiez pas à
sa physionomie bonhomme (il doit avoir le même diététicien que
"Danos", Cédric Robert, ou Guy Carlier...). Le genre de type qui a dû réussir pour coucher. Et c'est pas en ramenant les belettes chez lui en voiture que ça va s'arranger,surtout s'il roule comme il le fait en mondial !
En spéciale,
le Polonais débranche ce qui lui reste de cervelle et dégoupille
comme un soldat de DAESH devant un parterre de touristes US.
D'où mon respect éternel pour l'ami Maciej
SZCZEPANIAK
(à vos souhaits !) qui prend place dans le baquet de droite de cette
Fiesta WRC endiablée !
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Route, circuit, Kubica sait tout faire, et quand il ne pulvérise pas son jouet, les chronos tombent ! |
Mention spéciale aussi pour "Jean-Marie"
Latvala, le finlandais prend des risques que son look d'employé de banque ne saurait laisser supposer. Le bougre envoie sévère !
Il a bien failli se satelliser à très haute vitesse sous mes yeux et
partir dans une série de tonneaux dont on ne sait sur quelle planète elle se serait terminée... Complètement cintré lui aussi !
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Latvala au travail, lui non plus ne fait pas vraiment dans la dentelle ! |
Enfin,
les RGT: le groupe se résume ici à trois belles Porsche 911 bien
conduites: Delecour, Dumas, et Duez. Plutôt haut de gamme non ? Rien
que pour le bruit, elles méritent leur place. Quel plaisir de voir
passer ces belles autos, ça glisse, ça râle, c'est rauque, ça
fait rêver. Et ça doit pas être coton de maîtriser ces dragsters teutons sur un terrain sur-gras !
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Dumas sur sa très belle 911 RGT "hommage à Waldegaard". Plus jolie que celle du célébrissime Delecour, aux couleurs de la Roumanie ! |
Bref, pour ceux qui auront tenu jusqu'ici, j'en viens au conseil religieux du jour.
En terme de croyances, au lieu de suivre les consignes médiévales de pédophiles en blanc ou d'exterminateurs de plumitifs satiristes en pyjama, prosternons nous devant Saint-Seb et ses apôtres !