O comme Odette
« Bonjouuuuuuuuuuuuuuur ! » Elle a une voix frisant l’énervement, la matrone du Zampo, mais c’est une dame fort gentille, souriante, et accueillante. Ciao Odette ! Mention spéciale pour Louis qui, deux mois après « l’évanouissement » de Mat à la terrasse de son café, s’inquiète encore pour sa santé : sympa aussi !
O comme Orage(s)
C’est la crainte principale en canyon avec douze clients au cul. Et je dois dire que nous avons été particulièrement gâtés cette année. En juillet, la montagne Corse a essuyé 14 journées d’orage* contre une moyenne habituelle de… 2 ! C’est dire ! A mon arrivée à Zonza*, Mat et Foué* n’avaient à la bouche qu’un gros grain esssuyé à la Purcaraccia avec évacuation sur le sentier au péril de la foudre pour « la Masse », pendant que le jeune moniteur Blanchard fonçait dans la fissure de réchappe au grand rappel* du haut. Un moment épique et terrorisant à les entendre. Je n’allais pas tarder à goûter aux joies de ces furies naturelles moi-même…
Souvent cet été, une dégradation orageuse était annoncée « à partir de la mi-journée », pour reprendre l’expression fétiche de Météo France Ajaccio.
« Il faudra profiter de la montagne le matin. Forte évolution diurne. Dès la mi journée, le ciel se couvre et la tendance orageuse se précise. Fortes rafales de vent, averses violentes, grêle. Foudre intense. Attention à l’activité électrique… ». Nous l’avons entendue un paquet de fois cette rengaine. Parfois, nous avons annulé des journées, souvent nous sommes partis plus tôt, tous en direction de la Purca histoire de ne pas être coincé dans la section engagée de la Vacca*.
C’est sûr, avec un débit pareil, ça fait moins rire…
Il n’était pas rare que le ciel se charge rapidement, puis décharge pacifiquement, faisant croire à un orage qui n’arrivait finalement jamais. Un beau jour (ou plutôt un mauvais jour) cependant, les cumulonimbus tinrent leurs promesses : pas de quartier ! Ciel chargé dès 11h du matin, l’apocalypse s’est abattue sur nous vers midi. Mat et moi, nos deux groupes, unissons nos forces. Mat était en train de faire descendre du monde au dernier gros rappel* de la Purcaraccia. Je l’évite et redescend par le sentier avec mes clients, conseillant fortement à quelques grappes de touristes en pleine ascension de se barrer au plus vite. J’entends encore la phrase suivante, émanant d’une petite fille d’une huitaine d’années, nu pieds et en monokini :
« On va pas redescendre maintenant qu’on a tout monté hein Papa ? »
- Non non, ça va aller.
Et la petite famille de continuer son chemin, sous le grondement du tonnerre…
Au pied du rappel*, je récupère ceux du groupe de Mat qui sont déjà en bas. Je pars avec mon gros cheptel nouvellement constitué pour torcher en vitesse les deux derniers toboggans, dont le fameux « toboggan de la mort » qui fait la partie « frisson » de ce canyon. Seul, j’aurais filé, mais il faut bien contenter les clients. Mat nous rejoindra juste après avec les quelques personnes qui étaient encore sur les cordes lors du déclenchement des hostilités.
La foudre s’abat de plus en plus près de nous, dans un vacarme toujours plus assourdissant. Le ciel est noir, il tombe des cordes, il se met à grêler. Nous filons nous mettre à l’abri sous le gros bloc protecteur situé à la fin de la partie haute du canyon, en rive droite. Bientôt, nos deux groupes sont en sécurité, et nous sommes rejoints par Patrice, un autre moniteur, et ses clients.
Tout le monde a gardé sa combinaison, donc personne n’a trop froid. Une bonne ambiance s’installe, les gens discutent, mangent, rient. Ils sont en sécurité. En vingt minutes à peine, le ruisseau de Purcaraccia est méconnaissable. Les aiguilles de granite compact et étanche ont fait déversé des tonnes de flotte, des canyons se sont crées de partout : le niveau d’eau monte très rapidement. Nous savons que quelques randonneurs sont encore coincés au dessus, soit par manque de temps pour descendre, soit par imprudence « délibérée ». Maintenant que nos clients sont hors de danger, Mat, Patrice et moi décidons de remonter chercher ces imprudents. Nous repartons, une corde autour du cou, vers le haut du canyon. Traverser la rivière est déjà un peu problématique pour nous, le courant a tellement forci ! On imagine déjà le retour avec les touristes…
En redécouvrant le canyon au pas de course sous la tempête, on a le temps d’évaluer les ravages causés en une demi heure : le débit est multiplié par 100 ! La grande dalle de la seconde cascade s’est transformée en immense rideau d’eau, la section de blocs entre le premier grand rappel* et le toboggan « chenille » n’existe plus : c’est désormais une immense marmite grisâtre ! Le débit dans le boyau ne donne pas envie d’y faire un tour, les cascades sont d’une rare violence. Dans le rappel arrosé*, au niveau du replat, un jet surpuissant part à l’horizontale et vient s’écraser dans la conque granitique, 10m à gauche : impressionnant ! Le piège se refermerait facilement sur les téméraires qui s’aventureraient dans de telles conditions dans le canyon.
Nous séparant au fil des rencontres, nous retrouvons au total une quinzaine de « naufragés », arc boutés sous les arbustes, frigorifiés et terrorisés. Les enfants tremblent de froid et pleurent, tout comme certaines mamans. Les pères ne font pas les fiers à bras… Je retrouve la petite famille à qui j’avais fortement conseillé de descendre, alors que je menais mon groupe tambour battant vers la sortie du canyon. Je ne comprendrais jamais pourquoi des touristes en sandales et non expérimentés ne se doutent de rien quand trois groupes de professionnels équipés s’enfuient en leur conseillant d’en faire autant…
« Vous avez bien fait de rester, hein, finalement ! »
lance-je, avec humour noir, au père de famille, penaud. Les inconscients ne se font pas prier pour me suivre, heureux de ne plus être seuls. Mat, de son côté, a également repêché une famille de cinq, quant à Patrice, il a enveloppé une gamine devenue bleue de froid dans sa couverture de survie. Nous regagnons ensemble le lit de la rivière, où j’installe une corde pour traverser. Mat et Patrice, portant des enfants, s’avancent, pendant que les touristes, pendus à la corde, tentent de ne pas se faire embarquer par le courant, avec de l’eau montant par endroits jusqu’au bide (où l’on se trempait à peine les pieds le matin même). Tout le monde arrivera à bon port sous le bloc.
Une heure et demi plus tard, lors d’une accalmie, nous retendrons une corde pour repasser rive gauche et filer sur le sentier de retour. Deux pompiers grassouillets restés sagement près de leur camion ont envoyé Seb, un autre BE, muni d’une radio, voir si tout allait bien ! Nous leur affirmons que tout est ok, le secteur est « nettoyé ». Un bon souvenir finalement pour nos clients, une bonne leçon pour les imprudents, et une certitude pour nous : « Quand l’orage tonne, si tu restes, tu déconnes ».
« Bonjouuuuuuuuuuuuuuur ! » Elle a une voix frisant l’énervement, la matrone du Zampo, mais c’est une dame fort gentille, souriante, et accueillante. Ciao Odette ! Mention spéciale pour Louis qui, deux mois après « l’évanouissement » de Mat à la terrasse de son café, s’inquiète encore pour sa santé : sympa aussi !
O comme Orage(s)
C’est la crainte principale en canyon avec douze clients au cul. Et je dois dire que nous avons été particulièrement gâtés cette année. En juillet, la montagne Corse a essuyé 14 journées d’orage* contre une moyenne habituelle de… 2 ! C’est dire ! A mon arrivée à Zonza*, Mat et Foué* n’avaient à la bouche qu’un gros grain esssuyé à la Purcaraccia avec évacuation sur le sentier au péril de la foudre pour « la Masse », pendant que le jeune moniteur Blanchard fonçait dans la fissure de réchappe au grand rappel* du haut. Un moment épique et terrorisant à les entendre. Je n’allais pas tarder à goûter aux joies de ces furies naturelles moi-même…
Souvent cet été, une dégradation orageuse était annoncée « à partir de la mi-journée », pour reprendre l’expression fétiche de Météo France Ajaccio.
« Il faudra profiter de la montagne le matin. Forte évolution diurne. Dès la mi journée, le ciel se couvre et la tendance orageuse se précise. Fortes rafales de vent, averses violentes, grêle. Foudre intense. Attention à l’activité électrique… ». Nous l’avons entendue un paquet de fois cette rengaine. Parfois, nous avons annulé des journées, souvent nous sommes partis plus tôt, tous en direction de la Purca histoire de ne pas être coincé dans la section engagée de la Vacca*.
C’est sûr, avec un débit pareil, ça fait moins rire…
Il n’était pas rare que le ciel se charge rapidement, puis décharge pacifiquement, faisant croire à un orage qui n’arrivait finalement jamais. Un beau jour (ou plutôt un mauvais jour) cependant, les cumulonimbus tinrent leurs promesses : pas de quartier ! Ciel chargé dès 11h du matin, l’apocalypse s’est abattue sur nous vers midi. Mat et moi, nos deux groupes, unissons nos forces. Mat était en train de faire descendre du monde au dernier gros rappel* de la Purcaraccia. Je l’évite et redescend par le sentier avec mes clients, conseillant fortement à quelques grappes de touristes en pleine ascension de se barrer au plus vite. J’entends encore la phrase suivante, émanant d’une petite fille d’une huitaine d’années, nu pieds et en monokini :
« On va pas redescendre maintenant qu’on a tout monté hein Papa ? »
- Non non, ça va aller.
Et la petite famille de continuer son chemin, sous le grondement du tonnerre…
Au pied du rappel*, je récupère ceux du groupe de Mat qui sont déjà en bas. Je pars avec mon gros cheptel nouvellement constitué pour torcher en vitesse les deux derniers toboggans, dont le fameux « toboggan de la mort » qui fait la partie « frisson » de ce canyon. Seul, j’aurais filé, mais il faut bien contenter les clients. Mat nous rejoindra juste après avec les quelques personnes qui étaient encore sur les cordes lors du déclenchement des hostilités.
La foudre s’abat de plus en plus près de nous, dans un vacarme toujours plus assourdissant. Le ciel est noir, il tombe des cordes, il se met à grêler. Nous filons nous mettre à l’abri sous le gros bloc protecteur situé à la fin de la partie haute du canyon, en rive droite. Bientôt, nos deux groupes sont en sécurité, et nous sommes rejoints par Patrice, un autre moniteur, et ses clients.
Tout le monde a gardé sa combinaison, donc personne n’a trop froid. Une bonne ambiance s’installe, les gens discutent, mangent, rient. Ils sont en sécurité. En vingt minutes à peine, le ruisseau de Purcaraccia est méconnaissable. Les aiguilles de granite compact et étanche ont fait déversé des tonnes de flotte, des canyons se sont crées de partout : le niveau d’eau monte très rapidement. Nous savons que quelques randonneurs sont encore coincés au dessus, soit par manque de temps pour descendre, soit par imprudence « délibérée ». Maintenant que nos clients sont hors de danger, Mat, Patrice et moi décidons de remonter chercher ces imprudents. Nous repartons, une corde autour du cou, vers le haut du canyon. Traverser la rivière est déjà un peu problématique pour nous, le courant a tellement forci ! On imagine déjà le retour avec les touristes…
En redécouvrant le canyon au pas de course sous la tempête, on a le temps d’évaluer les ravages causés en une demi heure : le débit est multiplié par 100 ! La grande dalle de la seconde cascade s’est transformée en immense rideau d’eau, la section de blocs entre le premier grand rappel* et le toboggan « chenille » n’existe plus : c’est désormais une immense marmite grisâtre ! Le débit dans le boyau ne donne pas envie d’y faire un tour, les cascades sont d’une rare violence. Dans le rappel arrosé*, au niveau du replat, un jet surpuissant part à l’horizontale et vient s’écraser dans la conque granitique, 10m à gauche : impressionnant ! Le piège se refermerait facilement sur les téméraires qui s’aventureraient dans de telles conditions dans le canyon.
Nous séparant au fil des rencontres, nous retrouvons au total une quinzaine de « naufragés », arc boutés sous les arbustes, frigorifiés et terrorisés. Les enfants tremblent de froid et pleurent, tout comme certaines mamans. Les pères ne font pas les fiers à bras… Je retrouve la petite famille à qui j’avais fortement conseillé de descendre, alors que je menais mon groupe tambour battant vers la sortie du canyon. Je ne comprendrais jamais pourquoi des touristes en sandales et non expérimentés ne se doutent de rien quand trois groupes de professionnels équipés s’enfuient en leur conseillant d’en faire autant…
« Vous avez bien fait de rester, hein, finalement ! »
lance-je, avec humour noir, au père de famille, penaud. Les inconscients ne se font pas prier pour me suivre, heureux de ne plus être seuls. Mat, de son côté, a également repêché une famille de cinq, quant à Patrice, il a enveloppé une gamine devenue bleue de froid dans sa couverture de survie. Nous regagnons ensemble le lit de la rivière, où j’installe une corde pour traverser. Mat et Patrice, portant des enfants, s’avancent, pendant que les touristes, pendus à la corde, tentent de ne pas se faire embarquer par le courant, avec de l’eau montant par endroits jusqu’au bide (où l’on se trempait à peine les pieds le matin même). Tout le monde arrivera à bon port sous le bloc.
Une heure et demi plus tard, lors d’une accalmie, nous retendrons une corde pour repasser rive gauche et filer sur le sentier de retour. Deux pompiers grassouillets restés sagement près de leur camion ont envoyé Seb, un autre BE, muni d’une radio, voir si tout allait bien ! Nous leur affirmons que tout est ok, le secteur est « nettoyé ». Un bon souvenir finalement pour nos clients, une bonne leçon pour les imprudents, et une certitude pour nous : « Quand l’orage tonne, si tu restes, tu déconnes ».
7 commentaires:
Bien bien bien. Un peu de frissons dans cette grande saga ne peut pas faire de mal ! Et puis ce final à l'américaine avec happy end obligatoire réchauffe le coeur.
Si je pouvais me permettre une petite remarque, je dirais que pouvoir disposer de photos un peu plus grandes quand on clique dessus serait un must.
Oui tout est bien qui finit bien, spécialement pour l ex stagiaire du groupe, c est à dire mon humble personnage...
Pourquoi n'avoir mis cette fois-ci qu'une seule lettre ? Les lecteurs bien intentionnés répondront sans hésiter : parce qu'il y avait beaucoup de choses à la lettre 'O' ! Que nenni ! Les longueurs de cet article n'ont qu'un but, pouvoir intituler le prochain "LPCMI 2006 : P,Q comme..." ! Toutes mes fellllllllllations !
J'avoue sans forfanterie que j'y avais pensé, mais il est vrai que la raison principale, au risque de paraître moins glamour, est que la lettre "O" était "O combien" chargée...
O comme...
On en a marre d'attendre !
ou:
Où est passé le PQ ?
ou encore:
On va venir te peter la gueule si tu publies pas la suite fissa !
OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOh ça vient ??????
O comme "Oups pardon t'as 1000 fois raison !" Ce soir promis !
Ok ok mais bon là j'ai une excuse: mon nouveau PC est arrivé, tout ça, pas encore complètement configuré, tout ça, du coup j'ai pas mis en ligne... ça va là ? Sinon mon lapin a eu une rage de dents, mon raton laveur avait piscine, et mon hamster avait la rage (Rage against the hamster pour les connaisseurs...)
Enregistrer un commentaire